Sénégal : Une fête de l’indépendance aux couleurs de la rupture

Le 4 avril, le Sénégal a célébré ses 65 ans d’indépendance avec un événement marquant : le renaming du boulevard de Gaulle en boulevard Mamadou-Dia. Ce changement de nom est bien plus qu’un simple hommage ; il incarne une rupture symbolique avec le passé colonial du pays. Mamadou Dia, figure historique de l’indépendance sénégalaise et premier Premier ministre du pays sous la présidence de Léopold Sédar Senghor, est désormais honoré sur l’artère centrale de Dakar.

Plus de 6 000 personnes, civiles et militaires, ont défilé devant le président sénégalais Bassirou Diomaye Faye, entouré des chefs d’État de la Mauritanie, Gambie, Guinée-Bissau et du Nigeria. Le défilé a emprunté le nouveau boulevard Mamadou-Dia, marquant ainsi un tournant dans la célébration de l’indépendance. L’initiative a été saluée par des activistes anti-impérialistes et panafricanistes, symbolisant une avancée dans la lutte pour la décolonisation des espaces publics du pays.

La décision de renommer ce boulevard est une réponse à un débat récurrent sur l’héritage colonial visible dans les rues et monuments du Sénégal. En 2020, le déboulonnement de la statue du gouverneur Faidherbe à Saint-Louis avait déjà révélé des tensions similaires, conduisant à la rénomination de la place Ndar, du nom wolof de la ville. Ce renaming s’inscrit dans une volonté plus large du gouvernement de réappropriation des espaces publics, en mettant en avant des figures nationales et africaines.

Au-delà de l’aspect symbolique, cette action révèle le positionnement souverainiste du nouveau pouvoir. Lors de cette fête nationale, la thématique « Vers la souveraineté technologique et industrielle des forces armées » a également souligné l’importance de l’autonomie du pays, avec un accent particulier sur la modernisation de la défense nationale et la révision des coopérations militaires étrangères, notamment avec le départ imminent des troupes françaises du Sénégal.

Le regard de Com d’Afrik

Le choix de rebaptiser le boulevard de Gaulle en boulevard Mamadou-Dia est une déclaration forte, symbolisant un véritable tournant dans la relation du Sénégal avec son passé colonial. Ce geste s’inscrit dans une dynamique de réappropriation historique qui, si elle est salutaire d’un point de vue identitaire, pourrait aussi être vue comme un défi aux puissances occidentales qui ont longtemps marqué le pays de leur empreinte. Le Sénégal montre ainsi sa volonté de réécrire son histoire à l’aune de ses propres héros, tout en affirmant un positionnement souverainiste dans un contexte géopolitique de plus en plus complexe.